1Q84, Haruki Murakami

1Q84 est une oeuvre colossale, et ce non en raison de ses quelques 1.500 pages. En effet, sa longueur a fait l’objet de nombreuses critiques prétendant au rabâchage du contenu, vraisemblablement parce que Murakami se fait payer au nombre de mots. Une observation bien fondée, bien que mal justifiée. Les adeptes de Murakami sauront pourquoi ils le sont. Car chez Murakami, il n’est pas tant question d’une écriture concise que celle de la réitération. Et pour cause. Ce qui a fait le renom de Murakami, c’est avant tout la juxtaposition de la vie bien réglée des gens ordinaires vis-à-vis de l’élément surnaturel qui s’y introduit en chamboulant la banalité du quotidien. “Chroniques de l’oiseau à ressort” en est un bel exemple. L’idée d’un oiseau qu’on ne voit jamais, mais qui remonte les petits rouages qui font marcher le monde, est une belle allégorie qui passe pour le cas de 1Q84. Divisé en trois tomes, chacun étant un compte rendu des événements qui passent trois mois durant (le mois d’avril jusqu’au mois décembre), 1Q84 se lit de manière diachronique.

D’une part, il s’agit d’une documentation méticuleuse du temps qui passe, de l’insignifiance de la vie des personnages désœuvrés en cette année de 1984. D’où le besoin de réitérer.

D’autre part, il s’agit d’un questionnement de ce qui peut arriver dans le temps donné, de ce qu’est le monde de 1Q84 (le “Q” dans 1Q84 signifie justement “question”). Inutile de dire qu’à la manière de Murakami, il arrive des tas de choses saugrenues.

Cependant, ce n’est pas là la qualité singulière de 1Q84. Certes, la prose de Murakami a toujours eu la réputation d’être facile à lire. Un commentateur de FranceCulture va même jusqu’à parler de la platitude de son style. Peu importe la validité de l’argument, car je dirais même qu’il s’agit de cette platitude qui donne de la profondeur à ses personnages. On peut tirer l’exemple du personnage d’Ushikawa. Plusieurs chapitres durant, il reste enfermé à épier les gens par la fenêtre en même temps qu’il se livre à un monologue existentiel. Idem pour Aomamé, qui vit recluse entre les quatre murs de son cache. Des propos réitérés, rabâchés. Même par endroits, presque aucun rebondissement. Soit. Toujours est-il que les personnages ne cessent d’évoluer dans la “léthargie de l’ennui”. Ils deviennent plus crédibles, plus humains.

Comme avec tous les ouvrages de Murakami, 1Q84 ne propose aucune résolution commode, ce qui est un peu frustrant pour celui qui a fait autant d’efforts pour en arriver à une conclusion quelque peu mièvre !

Cela à part, à lire absolument.

4 étoiles sur 5

 

— C.S.

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