“Et cetera”. A History.

This frankly pointless text was inspired by a short, but personally profound remark the French writer Georges Perec made in his book, Espèces d’espaces [1974], about never using the word et cetera. Georges Perec believed that the word et cetera occulted important aspects of everyday life and usage of space. All spaces and people are interconnected in some way, and to leave it out is to voluntarily remain complacent in one’s ignorance. 

The French fin-de-siècle writer Guy de Maupassant once quipped that the only reason he enjoyed dining at the Eiffel Tower was precisely because it was the only place in Paris where he would be rid of its sight. I myself have always wondered whether there was a sort of special hiding place from the all-pervading influence of the expression et cetera.

Et cetera: Etymology,characteristics, and the danger of presumption

Derived from the same latin expression, et cetera literally means “and the rest” or “and so forth”. Historically, the word et cetera was used to facilitate a practical way of addressing monarchs whose real titles were probably longer than their respective bloodlines. It is a polite way of saying: “we get it, you’re the boss”. Et cetera‘s primary function is therefore to curtail.

Commonly abbreviated as “etc.”, et cetera is a word to be used with moderation. Three harmless letters with a full stop will probably be the end of you.

The special characteristic of the word is that unlike many overused words, which begin, punctuate or interject your sentence, the word et cetera, or “etc.”, must invariably be used at the end of the sentence. The only problem is that et cetera is not used to end the sentence. On the contrary, its precise function is to curtail and condense elements of lesser importance into one single word. By doing so, et cetera assumes you know roughly what the person is talking about when, in fact, you could be completely off the mark.

A user’s guide to et cetera

Never use the word et cetera unless you are completely sure that your target audience knows exactly about the secondary elements you’re trying to communicate. And then again, why not make the effort to just spell it out? Since et cetera is always the last word of the sentence, it is also the first word your audience will apprehend. Be prepared to answer a slew of questions and respond to points of clarification.

Et cetera and dangers of overdose 

Like many overused words in every language in the world, et cetera is at the tip of every person’s tongue and every writer’s pen. It is a neat substitute to keep the talk going when you’re running low on ideas, even when deep down you know the fire is about to burn out. It is a smokescreen made to convince you that there’s burning fire behind that thick misty veil of false presumptions and intentions, when in fact, what you see is actually what you get: smoke. Fire does not run on its own, nor does it run on et cetera. The opposite is true for the rare intelligent user of the language who clings on to each and every word he employs: you know they actually have something to say from the way they make do with what little they have; that solemn pause, a desperate search for le mot juste. Are they ever going to find the word? Perhaps so, perhaps not. Silence is gold. Et cetera is…well…smoke.

The word et cetera is not about to disappear from the surface of the earth. So let’s just learn to live with it. If et cetera denotes an infinite list of corresponding possibilities to the word, statement, or idea in question, then perhaps there is more to what meets the eyes.

Et cetera etc.

Swasdiburi

Pauvreté et faim au XXIe siècle

Au tournant de l’an 2000, l’Organisation des Nations-Unies (ONU) s’est fixée les huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Ces huit objectifs recouvrent les grands enjeux humanitaires, dont l’extrême  pauvreté et la faim. S’il est logique d’en déduire que la première est une conséquence de la dernière, il faut néanmoins tâcher de comprendre comment ce lien de cause à effet est devenu une norme acceptée sinon par tous, du moins par le public en général. Voici la question qu’on peut poser : être pauvre est-il avoir faim ?

Un milliard d’êtres humains souffrent de la faim…

Dans une campagne de sensibilisation menée par la FAO en 2009, on peut lire ce titre: “1,02 milliard d’êtres humains souffrent de la faim”. Ce chiffre peut paraître invraisemblable, car comment se représenter un milliard d’êtres humains affamés dans le confort de nos foyers et nos cuisines bien stockées ? Deux éléments dans cette phrase entrent tout de suite en conflit. D’une part, un milliard est un chiffre que nous êtres humains ne pouvons concevoir en termes de quantité. D’autre part, il est précisément question de nous êtres humains, ce chiffre d’un milliard et vingt millions. L’impossibilité de concevoir ce chiffre est aussi une impossibilité de connaître l’ampleur de cet enjeu humanitaire. De quoi justifier deux approches principales portant sur la question de la pauvreté mondiale.

Dans le livre Repenser la pauvreté (en anglais: Poor Economics: A Radical Rethinking of the Way to Fight Global Poverty), A.Banerjee et E.Duflo partent de l’idée que l’aide humanitaire se divise en deux catégories suivantes :

  1. « Il faut aider les pauvres à tout prix, car ils ne vont pas s’en sortir tout seuls ». Cette démarche présuppose l’existence d’un piège de la pauvreté. Economiquement parlant, le piège de la pauvreté est lorsque le revenu futur d’un individu est inférieur à son revenu actuel. Son revenu futur s’amenuise au fur et à mesure que s’agrandit le déficit. Il est pour ainsi dire pris dans un cercle vicieux, jusqu’à finir par tout perdre. L’aide humanitaire sert donc à relancer l’état financier des pauvres pour les faire sortir de ce piège. Seul bémol : cela fait belle lurette que les ONG interviennent là-dedans, et les choses ne sont pas près de s’arranger.
  2.  « Il faut que les pauvres arrivent à se débrouiller tout seuls sans nous, car l’aide internationale est néfaste ». Les tenants de cette approche croient au pouvoir autorégulateur du marché, lequel est créateur des incitations et d’opportunités. Une politique de non-intervention est meilleure car l’aide internationale est néfaste. Celle-ci corrompt souvent les institutions locales et rend les pauvres dépendants des subventions.

Ces deux approches sont symptômes d’un problème dans notre façon d’aider les pauvres : on a souvent tendance à traiter la question de la pauvreté comme une “grande question”. On prend ce chiffre de 1,02 milliard dans sa globalité au lieu de rendre compte de l’individu, c’est-à-dire aider une personne à la fois. C’est bien la raison pour laquelle on arrive souvent à tout ou à rien.

Pauvreté et faim 

Dans l’imaginaire public, pauvreté et faim vont effectivement de pair. Cette idée découle du présupposé selon lequel il n’y a pas assez de nourriture pour nourrir la population mondiale. Or, grâce à la technologie agricole actuelle, la question de pénurie alimentaire n’a plus sa place dans la société. Il est plutôt question du partage et de la distribution d’aliments. Théoriquement, donc, si les pauvres avaient davantage à manger, ils deviendraient plus productifs et sortiraient du piège de la pauvreté (s’il en est), enclenchant ainsi un cercle vertueux.

En réalité, un pouvoir d’achat supérieur ne se traduit pas forcément en une quantité supérieure d’aliments. Les pauvres préfèrent acheter une nourriture plus savoureuse et goûteuse, donc, plus chère. C’est donc la qualité nutritive qui change, et non sa quantité.

Quand vous êtes chômeur, c’est-à-dire mal nourri, assailli de tracas et de misères de toute sorte, vous n’avez aucune envie de manger sainement. Ce qu’il vous faut, c’est quelque chose qui ait un peu de goût. Et à cet égard, les tentations ne manquent pas.[1]

[1] George ORWELL, Le Quai de Wigan, trad. de Michel Pétris, Paris, Ivrea, 1995, pp.107-108

Toujours est-il que, chez les pauvres, manger n’est pas toujours forcément la chose la plus importante. Il n’y a pas que de la nourriture que les pauvres préfèrent acheter. Dans certains pays comme l’Inde et le Mexique, des études ont montré que de nombreux foyers préfèrent acheter une télévision ou une radio plutôt que d’acheter plus de nourriture, car les pauvres sont eux aussi susceptibles à chercher à se distraire et à échapper à l’ennui. Souvent, donc, ils ne considèrent pas un investissement à long terme pour une meilleure alimentation, cherchant seulement à vivre du jour au jour. En somme, trop de désirs et de pressions différentes entrent en concurrence avec l’alimentation.

On ne peut donc penser la pauvreté comme avoir trop peu à manger. Plus précisément, on ne peut penser que plus on en a à manger, moins on sera pauvre. C’est plutôt la qualité, et non la quantité, de la nourriture qui dicte la façon de vivre des pauvres, et leur santé. Chez les fœtus et les jeunes enfants, c’est-à-dire chez ceux qui ne décident pas de ce qu’ils mangent, la qualité d’alimentation est un enjeu très important car toutes leurs vies et celles de générations futures en dépendent.

Être pauvre est-il donc avoir faim ? Catastrophes naturelles et famines à part, avoir trop peu à manger ne peut plus servir de prétexte pour être pauvre. Or, cela n’empêche pas qu’on puisse tout de même avoir faim d’une nourriture qui nous fera oublier nos chagrins de temps en temps…

Swasdiburi

 

 

Éloge de la traduction

Nombreuses sont les idées reçues qu’on peut avoir sur le métier de la traduction. Qu’elles soient vraies ou fausses, une chose est admise : la traduction n’est pas faite pour tous. Là, on a affaire à un métier réservé à des personnes non seulement douées pour les langues : c’est avant tout des gens qui comprennent les langues en profondeur et qui en ont fait leur objet d’études. Ce n’est pas de gens qui ont seulement accepté de bonne grâce ce don pour les langues, mais qui y ont mis du sien pour que ce don leur rapporte des bénéfices d’une plus grande valeur que le “capital de départ” – en le questionnant, en l’étudiant.

C’est la raison pour laquelle les ONG telles que l’ONU sont inlassablement à la recherche des interprètes de conférence, l’un de rares métiers dont la demande dépasse largement l’offre. Et pour cause, car si ce métier exige des capacités cérébrales bien particulières, c’est aussi parce que le travail de traducteur/interprète peut être indispensable dans la formation historique et géopolitique de notre société. Les procès de Nuremberg (1945-1949) sont un exemple du rôle charnière que joue l’interprétariat au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. C’était aussi la premiere fois dans l’histoire où l’interprétation consecutive ne faisait plus l’affaire, et que, dans l’intérêt d’en finir avec les procès le plus rapidement possible, les besoins du moment faisaient qu’il fallait passer à l’interprétation simultanée. Certains diront même que la mise au point de l’interprétation simultanée aurait permis aux Américains de gagner du temps en leur faveur et de s’en prendre à une nouvelle cible : les Soviétiques.

Toujours est-il que l’interprétariat n’est qu’une facette parmi tant d’autres du domaine de la traduction. Si l’interprétation se fait sur le moment et exige qu’on réagisse rapidement, la traduction littéraire nous permet souvent de contempler le choix de mots, quitte à ne jamais trouver le mot juste. Il se dit que la vocation de l’écrivain ne consiste pas à écrire, mais à regarder par la fenêtre. Le lecteur attentif verrait où je veux en venir…S’il appartient à l’écrivain de regarder par la fenêtre, la prérogative du traducteur serait de restituer cette fenêtre, et ce sur quoi elle donne, c’est-à-dire la vision et le style de l’auteur.

Proust disait :

Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère. Sous chaque mot, chacun de nous met son sens ou du moins son image, qui est souvent un contresens. Mais dans les beaux livres, tous les contresens qu’on fait sont beaux.”

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Les beaux livres sont beaux non par vertu de la maîtrise exceptionnelle de la langue, le français en l’occurence, dont l’auteur fait preuve. Écrire pour ainsi dire dans une seule langue, c’est se borner à une seule vision. Les beaux livres sont beaux parce qu’ils ne se referment jamais. Bien au contraire, ils sont ouverts sur le monde et sur tant de possibilités de lecture, d’interprétation, et de traduction.

En plus de cette question de traduire la vision de l’auteur, la traduction du style est un élément tout aussi important. D’après Julia Kristeva, “le style est certes une vision, mais qui modifie la langue ridée et ses plis originaires, pour en faire une construction surprenante, méconnaissable, qui gêne pour commencer les habitudes du clan.” Ce qu’implique Kristeva, c’est que les “beaux livres” sont novateurs parce qu’ils mobilisent la langue d’une société. Ils réinventent la langue d’origine pour en faire une langue étrangère, nouvelle, inconnue.

Le célèbre écrivain japonais Haruki Murakami a pris cet exercice au pied de la lettre. Dans la préface d’une nouvelle traduction de son livre Hear The Wind Sing (“Entendre le vent chanter”), Murakami nous confie qu’il s’est forgé son propre style en traduisant son oeuvre du japonais (langue d’origine) vers l’anglais, pour ensuite la retraduire une nouvelle fois vers le japonais. Murakami dit qu’il maîtrisait très peu l’anglais à cette époque. Le très peu de mots qu’il devait faire avec le forçait à ne retenir que l’essentiel. Le résultat est une oeuvre dont le style est unique en son genre : simple et épuré.

La traduction serait donc non seulement une manière de comprendre un mot, une phrase, ou bien un livre dans une autre langue que la langue d’origine ; et le travail de traducteur n’est assurément pas aussi anodin qu’on peut laisser entendre. Bien entendu, la traduction nous permet de se faire comprendre dans une société mondialisée, de favoriser et de diversifier l’échange et le dialogue entre gouvernements et institutions. Mais plus que tout, la traduction permet de réinventer la langue. C’est bien la raison pour laquelle la littérature de nos jours est en changement permanent.

— C.S.